Élections européennes : «L’écologie positive» du RN, une menace pour le climat et la justice sociale

Élections européennes : «L’écologie positive» du RN, une menace pour le climat et la justice sociale

Favori des sondages avec sa vision «positive», le Rassemblement national a pourtant un triste bilan au Parlement européen où il a toujours défendu des positions anti-climat et anti-sociales.
17 April 2024
par Anne-Claire Poirier - Vert le média
3 minutes de lecture

Coudées rances. Le parti de Marine Le Pen a fait de l’écologie l’un de ses axes de campagne pour les élections européennes. Favori des sondages avec sa vision «positive», le Rassemblement national a pourtant un triste bilan au Parlement européen où il a toujours défendu des positions anti-climat et anti-sociales.

Après la «vague verte» de 2019, une marée brune guette désormais le Parlement européen, à quelques semaines des prochaines élections, du 6 au 9 juin. En France, dont le Rassemblement national (RN) fournit déjà le plus gros contingent d’eurodéputé·es depuis 2014 (23 sur 79), le parti creuse encore l’écart avec 31% des intentions de votes, contre 17% pour le camp présidentiel, selon divers sondages.

La dynamique se confirme ailleurs en Europe, de sorte que l’extrême droite pourrait passer de 18 à 23 % des sièges au Parlement européen et ainsi devenir la troisième force derrière la droite (PPE) et les socialistes (S&D). Jordan Bardella, qui mène la liste RN, s’en frotte déjà les mains, promettant de «mettre en échec un certain nombre de textes» grâce à sa «minorité de blocage».

L’eurodéputé a deux priorités en tête : torpiller le Pacte sur la migration (qui prévoit pourtant un durcissement de la politique migratoire européenne) pour éviter de «soumettre la France à un nouvel appel d’air migratoire» et abolir le Pacte vert européen, accusé d’avoir «imposé la décroissance agricole» au prétexte de décarboner l’économie du Vieux Continent.

Contre «l’Europe punitive», Jordan Bardella promet une «écologie positive» dont les contours ne sont pas vraiment clairs – le parti n’a pas encore dévoilé de programme. Un coup d’œil aux prises de position du parti dans l’hémicycle européen permet toutefois de se donner une idée.

«L’écologie positive» du RN est anti-climat

Dès novembre 2019, les eurodéputé·es RN ont voté contre la résolution du Parlement européen déclarant «l’urgence climatique et environnementale», signale à Vert l’expert en politiques européennes Neil Makaroff, qui a épluché l’historique du parti à Bruxelles pour la Fondation Jean Jaurès. «Ils se sont ensuite opposés à la plupart des lois qui composent le Pacte Vert européen.»

Dans le secteur de l’énergie, par exemple, la formation d’extrême droite a voté contre le doublement de la part des renouvelables (de 20 à 42,5%) dans la consommation européenne d’ici à 2030. «Jugées inutiles par l’extrême droite, qui veut les démanteler, les énergies renouvelables ont pourtant fait économiser 100 milliards d’euros aux Européens en importations de gaz, principalement de Russie», souligne Neil Makaroff. Au plus fort de la crise russo-ukrainienne, les eurodéputé·es du RN et de Reconquête ont voté contre les amendements organisant l’embargo sur le gaz, le pétrole et le charbon russes.

Sur l’agriculture, le RN a voté contre la stratégie dite «de la ferme à la fourchette» (la déclinaison du Pacte vert pour l’agriculture) et s’est opposé à tous les textes qui en ont découlé — sur la réduction des pesticides ou la montée en puissance de l’agriculture biologique notamment. En revanche, il s’est opposé de manière constante à tous les accords de libre-échange. Ceux-ci sont également dénoncés à gauche de l’hémicycle car peu compatibles avec les objectifs climatiques et sociaux de l’UE.

Concernant l’industrie, Jordan Bardella prône le «patriotisme économique» et le «localisme». Pourtant, les élu·es du RN, comme de Reconquête, n’ont pas soutenu la taxe carbone aux frontières de l’Union, qui vise justement à taxer les importations de certains produits très polluants (fer, acier, aluminium, ciment, engrais et électricité). Au Parlement européen, elles et ils se sont opposé·es à la fin de vente des moteurs thermiques neufs en 2035, pointant le risque de désindustrialisation. «C’est au contraire un signal clair aux investisseurs, qui les incitent à s’implanter en Europe», rétorque Neil Makaroff.

«L’écologie positive» est anti-sociale

«Bien qu’il se considère comme le défenseur des classes moyennes et populaires, le Rassemblement national s’oppose aux solutions européennes qui pourraient aider les ménages dans la transition», souligne Neil Makaroff. Les eurodéputé·es Reconquête ont voté contre l’interdiction des coupures d’électricité pour les plus précaires ; le RN s’est abstenu.

La formation de Jordan Bardella s’est également opposée à la loi européenne sur l’obligation de rénovation des passoires thermiques. De même, les élu·es RN et Reconquête ont voté contre le Fonds social européen qui aident les plus précaires à financer la rénovation de leur logement ou à accéder au véhicule électrique par exemple.

En parallèle, le Rassemblement national et Reconquête se sont opposés à la taxation des superprofits des géants du pétrole, gaz et charbon.

Au vu de son bilan, Neil Makaroff juge que le renforcement de l’extrême droite au Parlement européen représente un «vrai risque de détricotage, car beaucoup de lois du Pacte Vert européen comprennent des clauses de revoyure en 2026–2027». C’est le cas par exemple de la loi sur la fin de vente des véhicules thermiques neufs à 2035. En clair, si l’extrême droite gagne, c’est le climat qui y perdra.

Le Rassemblement national n’a pas donné suite à nos demandes d’interview.

Article écrit par Anne-Claire Poirier. Vert, le média qui annonce la couleur

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