Bifurquer, d’accord mais pour faire quoi ? Le jeu des sept familles des métiers du monde d’après

Bifurquer, d’accord mais pour faire quoi ? Le jeu des sept familles des métiers du monde d’après

Comment bosser pour le bien commun ? Voici quelques idées pour prendre le grand virage de l'emploi qui va dans le bons sens.
25 May 2022
par Aurore Le Bihan
5 minutes de lecture

Entre la grande démission aux États-Unis et les étudiant·es français·es qui jettent un pavé dans la mare de leur enseignement, les certitudes d’hier ont du mal à s’accorder avec les enjeux d’aujourd’hui. Comment bosser vraiment pour le bien commun ? 

Vous avez peut-être vu passer la vidéo du discours des diplômé.es d'AgroParisTech faisant le constat, devant les applaudissements de leurs camarades “qu’il y a truc qui cloche”, que les métiers d’ingénieurs agronomes auxquels ils ont été formés sont plus nuisibles qu’utiles ? Ces étudiant·es, qui ont déjà sauté le pas, proposent de renoncer à ces métiers, ces “toxic jobs”, qui n'apporteraient ni épanouissement individuel, ni bonheur collectif et de bifurquer vers d’autres voies alternatives, moins valorisées par la société. Si être ingénieur.e agronome dans une grande boîte, n’est plus un métier de demain, qu’est-ce qui peut bien l’être ? Et, surprise, ce ne sont pas nécessairement les clichés du “permaculteur en salopette”... Dans le jeu des sept familles de métiers vers lesquels bifurquer, je demande… 

Les maraîcher.es et agriculteur.ices 

Avec le départ massif des agriculteur.ices à la retraite (près d’un tiers des agriculteurs ont plus de 55 ans), ce métier risque d’être un de ceux dont on aura le plus besoin dans les prochaines années. Ces boulots ont la réputation, à juste titre, d’être durs et mal payés, surtout quand on a une petite exploitation et qu’on tente de faire différemment (le système encourageant plutôt les grandes surfaces de culture exploitées de manière intensive). Autant dire qu’il va falloir se lever de bonne heure pour trouver des modèles qui permettent de nourrir un grand nombre de personnes tout en respectant le vivant. Il existe plein d’initiatives dans ce sens comme la Ferme des Volonteux dans la Drôme, une coopérative paysanne qui cultive plus de 25 hectares de fruits et légumes bio ou la Ferme star du Bec Hellouin qui pratique le maraîchage bio-intensif selon les principes de la permaculture.  

Dans la même famille : bergers et bergères, éleveurs et éleveuses, apiculteurs et cultrices… 

Les ingénieur·ses et constructeur.ices de solutions low-tech

La baisse de notre consommation d’énergie va être clé dans les prochaines années pour assurer notre transition écologique. Plutôt que d'essayer de concevoir des outils de plus en plus high-tech nécessitant beaucoup d’énergie pour être fabriqués, pour fonctionner et qui sont, de surcroît, compliqués à réparer, nul doute qu’il y aura besoin de personnes qui inventent des solutions intelligentes plus sobres en énergie. Ces technologies “basses” permettront de remplacer les outils de la vie courante, mais aussi les machines de l’industrie qui vont devoir composer avec les enjeux de sobriété énergétique.  

Dans la même famille : réparateur.ices de vélo, architectes en éco-construction, mécanos, diagnostiqueur.ices énergétiques, artisan.es en rénovation énergétique, maîtres composteurs... 

Les accompagnant.es de personnes âgées

Ce n'est pas nécessairement le type de métiers auquel on pense pour une reconversion après avoir fait de longues études, et pourtant ! La population âgée et donc en perte d'autonomie va exploser dans les prochaines années. C’est mathématique, les baby-boomers auront 85 ans en 2030. Aujourd’hui les aides-soignantes et les aides à domicile ne sont pas les emplois les plus valorisés, loin de là.  Mais le besoin est immense, à la fois en termes de quantité (93 000 postes supplémentaires entre 2020 et 2024 selon Libération) mais aussi de qualité d’exercice, ce qui passera par le fait de repenser les modèles permettant à ces métiers d’être exercés dans des conditions décentes. À ce sujet, on pourra regarder le film “Debout les femmes” de François Ruffin et Gilles Perret.  

Dans la même famille : tout ce qui touche au soin et à la santé au sens large, aka les médecins, dentistes, psys, kinés, infirmier.es, etc. 

Les facilitateur.ices en collectif

Si le turfu réside dans notre capacité à faire collectif, à prendre des décisions de manière plus horizontale, encore faut-il bien intégrer que cela demande du temps, de l’énergie, et une bonne gestion du fameux PFH (Putain de Facteur Humain). Que ce soit dans un un écolieu, un tiers-lieu, un collectif de lutte ou une coopérative, les personnes qui savent faciliter une discussion difficile, faire converger un groupe vers un consensus ou mettre en lumière les conflits sont clé pour assurer la pérennité d’un projet et le bien-être de ses membres. Pour tenir ces rôles, il est intéressant d’avoir des profils disposant de bonnes capacités d’écoute, d’une bonne dose d’empathie, d’un esprit de synthèse, et d’une large connaissance des outils en intelligence collective.

Dans la même famille : médiateur.ices de conflit, formateur.ices en communication non violente, accompagnateur.ice de collectifs, spécialistes en gouvernance partagée… 

Les commerçants locaux

Face à la concurrence acharnée des grandes surfaces, des start-up qui proposent des livraisons en cinq minutes d’un burger ou de papier toilette en un clic, des dark kitchens, et à la désertification des centre-bourgs dans les villages (et bientôt dans les villes?), proposer des commerces de proximité devient presque un acte de résistance. Et pourtant, ce sont souvent ces petites épiceries, restaurants, bars, boulangers, qui permettent de créer des lieux de rencontres et du lien social. Plus subtils, ils nous permettent de nous relier à la grande chaîne d’humains et de vivants. Sur ce sujet on pourra écouter le super épisode de “Vivons heureux avant la fin du monde” sur la livraison par Delphine Saltel sur Arte Radio

Dans la même famille : facteur.ices, libraires, gérants de recycleries ou fripes…. 

Les fabricant.es de récits

Et oui, si l'espèce humaine a réussi à se perpétuer aussi longtemps, ça n’est pas pas parce qu’elle dispose de dents acérées ou de stratégies de camouflage de pointe, mais parce qu’elle est capable de se raconter des histoires. Conteur.ses, saltimbanques, écrivain.es, réalisateur.ices, animateur.ices radio, essayistes autant de personnes qui, n’en déplaise à celles et ceux qui pensent que la culture sert à rien, construisent nos récits communs et nous donnent envie d’œuvrer ensemble vers le bien commun (ou l'effondrement prochain, selon). Ça tombe bien car pour transitionner vers un modèle de société plus juste et plus durable, il va falloir des récits assez bons pour nous donner envie de se retrousser les manches. 

Dans la même famille : les chercheur.ses qui élargissent le champ de la connaissance humaine et permettent de nourrir ces récits, les musicien.nes, les journalistes, les YouTubeur.euses, les éditeur.ices …

Les mutualisateur.ices

Ce serait des métiers qui réfléchiraient à créer plus de communs à l’échelle des quartiers et des villages :  mutualisation des moyens de transport, des outils, des lieux… Ils aideraient à définir les règles d’usage en concertation avec les parties-prenantes et participeraient au suivi de tout ça. Intéressant non ? 

On pourrait compléter cette liste à la Prévert avec les métiers de profs (dont la pénurie actuelle inquiète), les jobs de celles et ceux qui s’occupent de l’eau, des déchets, de l’air, de nos moyens de communication, de nos acquis sociaux, de notre cadre de vie, de notre défense en cas de pépin... Vous l’aurez compris, cette liste est subjective, et au lieu de la faire dans notre coin, elle devrait faire l’objet d’un inventaire, puis d’un tri en partant de nos besoins collectifs. Tenez, pour vous ça serait quoi le métier dont on a absolument besoin demain ? 

À lire aussi : notre tribune dans la Tribune #Inception, “Transition écologique : la grande réorientation du marché de l'emploi”.

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